Il peut désormais se faire entourer des membres de son comité de sécurité. Lui, c’est Jean Gaston Herabo, le chef de chefferie d’Andisoma, dans le territoire d’Irumu en province de l’Ituri. En pleine réunion, ce jeudi 8 juin, il est accompagné de responsables de différents services assis à ses côtés pour statuer sur la situation générale de son entité. « Nous pouvons désormais jouir de notre pouvoir. Actuellement je peux me rendre à Gety comme dans d’autres villages sous ma juridiction », se réjouit-il. Pourtant, il y a environ trois mois seulement, toute cette zone était sous l’emprise de la milice du Front patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC). Pendant plus de cinq ans d’occupation par cette milice, l’autorité de l’Etat était bafouée. Ici, toutes les compétences réservées aux chefs coutumiers étaient entre les mains des leaders de ce groupe armé. Ceux-ci « pouvaient organiser des jugements et même emprisonner les coupables avant de leur infliger des amendes en lieu et place des autorités territoriales », ont fait savoir plusieurs témoins. Cette situation a affecté l’accessibilité et la cohabitation entre les communautés des plusieurs entités du territoire d’Irumu.
En février dernier, le projet soutien à la médiation et la résilience pour la paix, financé par l’Union européenne, s’est lancé dans une bataille pour faciliter la restauration de l’autorité de l’Etat. A travers Pole Institute, une série de consultations avec les groupes armés a été amorcée en appui au Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaires (P-DDRCs). Début juin, pour la première fois, le groupe armé FPIC a accepté de rencontrer l’administrateur militaire du territoire d’Irumu, dans le cadre d’une activité d’accompagnement du processus de médiation tenu à Nyakunde dans la même région. « C’est pour la première fois de vous rencontrer après votre retranchement dans les maquis. Je suis venu prendre contact avec les nouveaux responsables du groupe armé FPIC/CHAMBRE NOIRE SANDUKU. Je voulais aussi vous écouter sur les mobiles qui vous ont poussés à destituer votre ancien dirigeant signataire de l’acte d’engagement de cessation des hostilités. C’est également une occasion de vous sensibiliser à adhérer au processus de PDDRCS », a expliqué le colonel Siro Nsimba.
« Cette activité revêt une grande importance, c’est pourquoi j’ai tenu à ce que tous les chefs des chefferies BIRA et les grands notables soient présents dans ces assises », a-t-il ajouté.
En effet, la présence de plusieurs miliciens dans cette région a mis à mal l’autorité de l’Etat, mais également alimenté le conflit des limites administratives entre les Entités territoriales décentralisées (ETD).
A Kesenyi, dans le secteur de Bahema sud par exemple, il était difficile voire impossible qu’un chef d’une entité se déplace dans une autre. « La chefferie de Walendu-Bindi et le secteur de Bahema Sud étaient en conflit foncier et des limites administratives depuis plusieurs années. Je ne pouvais pas quitter ici pour me rendre à Gety. Seules les consultations menées par Pole Institute m’ont permis d’avoir accès à cette entité », témoigne le chef de secteur de Bahema-Sud, Kataloho Takumara. « Nos villages ont été envahis par la communauté de Walendu Bindi sous la bénédiction de la milice Front de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) ».
Pour y faire face, le consortium médiation constitué des ONG Interpeace, Pole Institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et de l’Université de New York a organisé une activité d’identification et de validation des enjeux conflictuels. Ceci a été une occasion pour donner l’opportunité au processus de médiation entre les leaders des différentes communautés en conflits.
« Nous sommes tellement contents que la fréquentation entre nos deux communautés commence à revenir au beau fixe. Nous remercions Pole Institute d’avoir organisé cet atelier. Celui-ci a permis d’accueillir nos frères de Walendu Bindi ainsi que leurs chefs ici à Kasenyi. Nous voulons la paix et ensemble nous pouvons y parvenir », a souligné l’un des participants, avant de souhaiter qu’une activité du genre soit également organisée à Gety. « Cela sera une bonne occasion pour nous, de Bahema-Sud, pour aller y participer », a-t-il renchéri.
Pour l’instant, le projet se poursuit avec les processus de médiation pour pérenniser ses actions et faciliter la restauration définitive de l’autorité de l’Etat afin de donner une chance à la cohabitation pacifique dans cette partie de la province de l’Ituri.